mardi, octobre 11, 2005

A comme . . . . .

‘‘Un regard rapide’’....

Tout à commencé à cet instant fugace durant lequel j’ai perçu du coin de l’oeil Son regard sur moi.

Les rayons de la fin de l’été baignaient cette terrasse d’une lumière intense. Comme s’ils étaient solides, plaqués sur les murs et le sol par un artiste un peu fou.
Au dessus de nos têtes, emplissant le carré des quatre murs d’enceinte, une flaque d’un bleu léger sans aucun nuage, lisse comme le miroir d’un lac de montagne, renforçait l’impression de vacances.
Sur les larges feuilles du figuier central, les nervures paraissaient en relief, semblables à un corps âgé dont les veines marquent la peau tannée, diaphane.
Traversant la lumière, de fines poussières luisaient en virevoltant, suspendues dans l’air encore vibrant de chaleur.

Quelques tables plus ou moins occupées couvraient la terrasse.
Terminant le repas par un café tranquille, nous étions une demi-douzaine installés autour d’une d’elles.
Ce n’était pas Elle la plus diserte mais les quelques interventions qu’Elle faisait dans nos conversation étaient écoutées.
De longues minutes de silence ponctuées de quelques ‘‘piques’’ d’ironie qui faisaient mouche à coup sûr, trahissaient Son sens aigu de l’observation. Elle était la seule femme admise à notre table et Sa présence égayait ce court moment de détente.
C’était un jeu, notre jeu, sorte de traditionnelles joutes verbales de l’après-repas où chacun campait un rôle.
A cet instant de la journée, une petite demi-heure était consacrée, quotidiennement, à des discussions sans but, sans véritable sujet défini à l’avance, mais qui, immanquablement, nous laissait des traces de bonne humeur pour le reste de l’après-midi.

C’était à qui amuserait le plus la galerie par une boutade, une nouvelle histoire.... chacun de nous s’appliquant à faire rire les autres et Elle n’était pas en reste.
Dans cette atmosphère détendue, personne n’observait personne, nous nous connaissions tous suffisamment pour ne pas nous épier.
A l’accoutumée, l’attention de chacun était captivée par le narrateur, les regards convergeant vers celui (ou Celle) qui avait la parole.

A ce moment, comme une enfant qui vole un bonbon, Elle me regardait.
Pas comme d’habitude, pas comme les autres, pas comme on écoute un bon mot en attendant la chute pour participer au rire collectif, non, de façon plus insistante mais un léger sourire au coin des lèvres.
Le dos calé sur le dossier de Sa chaise, Ses yeux mi-clos m’observaient, une moue curieuse sur le visage, comme si Elle cherchait à pénétrer mon esprit, à déchiffrer mon âme.
J’eus cette curieuse sensation.
Elle s’en aperçut, ses traits se détendirent et son regard repris innocemment la direction de Ses mains.
A mon tour, je me mis à l’examiner à la façon d’un entomologiste, prenant soin d’écouter la suite de nos conversations afin de ne pas me faire surprendre si, d’aventure, je venais à être pris à témoin.

Ses mains trituraient la barrette de plastique qui servait habituellement à touiller le café. Calmement, méthodiquement, apparemment sans idée de ce qu’allait devenir cette fine tige, Elle la tordait dans tous les sens, lui donnant les formes les plus inattendues. C’était chaque jour différent mais avec la même application et le même acharnement, allant même dans les jours de forme à combiner plusieurs tiges entre elles afin de constituer un vélo, un avion, que sais-je encore.... mais souvent une forme compliquée.
Des mains aux doigts longs et fins, agiles et rapides comme ceux d’un pianiste et couverts d’un vernis couleur ‘‘sang noir’’ impeccablement passé.
Des mains ‘‘lissées par le contact d’autres corps’’ me dis-je.
J’en eus un imperceptible frisson sur le dessus des avant bras....

Elle porte souvent de petits boléros de fin tissus, des bustiers ajourés, dentelles ou rubans laissant apercevoir une peau hâlée qui me rappelle immanquablement celle, douce et soyeuse, du kiwi.
Il m’est arrivé quelques fois, chez moi, de penser à Elle en ôtant la peau d’un de ces fruits bien mûr.
Elle n’a pas ce que l’on peut appeler ‘‘une grosse poitrine’’ mais ses seins sont toujours impeccablement mis en valeur par des vêtements parfaitement à sa taille, ajustés sur ce charmant buste haut et fier qui ne laisse indifférent aucun des hommes qu’Elle croise.
Qu’ Elle porte du noir, du brun foncé ou du vert pomme, tout lui va. Que Sa tenue soit classique (ce qui est assez rare) ou plutôt originale, tout l’habille, tout met son corps en valeur : une folie !

Je continuai mon examen fort agréable par Ses bras longilignes en remontant vers deux frêles épaules, généralement dénudées, sur lesquelles s’appuyait un cou gracieux.
Autour du cou, une fine chaîne et une colombe découpée au centre d’une petite médaille d’argent.
Aux oreilles délicates pendaient deux créoles, ainsi qu’une croix huguenote du côté droit, encadrant un visage ouvert et rieur paré de boucles châtains.
Ses lèvres sont finement ourlées et bien dessinées affichant une éternelle bonne humeur communicative et recouvrant de belles dents blanches et régulières.
Les pommettes hautes, ajoutent à son port de tête de princesse.

Mais ce qui m’a le plus séduit, ce sont Ses yeux.
Rieurs et changeants. Encadrés par de petites rides de vie trahissant les bonheurs, les chagrins et les joies du quotidien.
Un jour marrons, un jour verts, pleins de malice....
Stupidement, je n’avais pas imaginé une seule seconde qu’Elle pouvait porter des verres de contact.

J’y lisais de l’ironie, du scepticisme, de la gaieté souvent et de l’inquiétude parfois.
Cependant, au delà des apparences, derrière le visage d’ange je discernais dans Ses yeux les questions qu’Elle ne formulait pas.
J’y décelais des non-dits, des sous-entendus, une foule de questions non posées mais bien réelles qui transparaissaient lorsqu’ Elle me regardait.

.....à suivre ......... :o))